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Dans le contexte politique pour le moins chaotique qu'on sait, le milieu scolaire français traverse un grand chamboulement. Promise par François Hollande durant sa campagne de 2012, la réforme des rythmes scolaires est censée constituer le premier pas d'une transformation de l'école primaire (qui inclut la maternelle) de l'Hexagone. Alors que les effets sont importants, les collectivités locales n'ont pas toutes les mêmes moyens pour y faire face.
Depuis 2008, on avait fait disparaître la demi-journée d'école du samedi et conservé un calendrier scolaire sur 4 jours : pas d'école les mercredis pour les jeunes Français·es. Résultat : à 144 jours d'école par année – le plus petit nombre des pays de l'OCDE dont la moyenne se chiffre à 187 jours de classe – il y avait là un irritant, voire une cause diront certain·e·s, d'une détérioration du rendement des élèves français. Puis, des recherches sur les biorythmes de l'enfant [1] sont venues amener de l'eau au moulin de ceux et celles qui jugent que la pause du mercredi constituait une brisure dans le rythme d'apprentissage et fatiguait davantage les enfants. Ces éléments ont servi d'assise à cette réforme qui a fait passer la semaine des élèves du primaire à neuf demi-journées. Autrement dit, les enfants ont désormais école le mercredi matin et chaque journée compte des périodes de TAP : du temps d'activités périscolaires.
Ces TAP représentent un véritable gain en termes d'activités périscolaires m'a expliqué une mère de deux enfants de la ville d'Amiens. Cela permet notamment de mettre en place des programmes de prévention et d'intervention sociale. «Nous travaillons avec des associations qui peuvent intervenir dans les écoles pour faire des actions de prévention (nutrition, dépendances, etc.). En primaire, des actions plus globales sur l'estime de soi sont plutôt bien évaluées […]. Ce type d'actions vu sous l'angle ‘‘ santé '' peut évidemment s'étendre au champ social et à la citoyenneté. »
Une réforme inégale
Aux yeux d'un Nord-Américain, la semaine de cinq jours n'a rien de choquant. Or, cette réforme a des effets qui vont au-delà de la salle de classe. Où regrouper les enfants lors des périodes de TAP ? Pas en classe puisque ceux-ci ne sont plus sous la responsabilité de l'école après 15 h 30 ou 11 h 30 le mercredi. Dans des salles communautaires ou des centres de loisirs ? Encore faut-il que de telles installations existent, et cela souligne une faille importante de la réforme : les inégalités entre les communes et plus particulièrement entre la ville et la campagne.
Par exemple, dans la petite commune de Mirefleurs, en Auvergne, les parents croulant sous les informations contradictoires ont eu du mal à planifier la rentrée scolaire alors qu'il était difficile de savoir où et quand les enfants fréquenteraient l'école, la garderie et les TAP. En outre, les petites communes n'ont pas toujours les moyens ou les installations nécessaires afin d'offrir des activités de qualité. Les enfants doivent alors être déplacés en bus vers un autre site. Une fois arrivés, les moniteurs qui en ont la charge ont des niveaux de compétence variable… Ici, les grandes communes sont favorisées puisqu'elles ont accès à davantage de ressources pour moins cher. Par exemple, Amiens n'a pas transféré de coût supplémentaire aux parents concernés, alors qu'à Orléans les frais de garderie ont augmenté, pour aller jusqu'à doubler à Mirefleurs.
Par ailleurs, non seulement les médias ont diffusé peu d'information sur la réforme, mais à quelques jours de la rentrée 2014, le ministre de l'Éducation Benoît Hamon, qui avait déjà remplacé Vincent Peillon quelques mois plus tôt, ne fut pas reconduit à son poste par le nouveau gouvernement de Manuel Valls. Benoît Hamon avait permis aux communes moins fortunées de s'adapter en concentrant les activités périscolaires sur un seul après-midi et son remplacement impromptu fut mal accueilli par le milieu scolaire.
Une réforme du mode de vie
Il semble que ce ne sont pas les principes qui sont mis en cause, mais que c'est plutôt l'application inégalitaire, voire chaotique, de la réforme qui est source de mécontentement. À Marseille, la rentrée a carrément été interrompue dans certaines écoles où les parents, soutenus par les enseignant·e·s et les directions, refusaient d'amener leurs enfants en classe tant que la situation ne gagnait pas en clarté.
En plus de la confusion et des coûts financiers, c'est peut-être un changement de culture que vivent les Français. À Orléans, un père de jumelles croit que l'impact est trop grand : «Les gamins sont crevés dès le jeudi. » Plusieurs parents profitaient déjà du mercredi pour inscrire leurs enfants à des activités. Maintenant qu'il ne reste que la fin de semaine, d'aucuns se demandent si les parents ne préféreront pas garder leurs enfants à la maison. Certaines institutions ou associations locales pourraient alors en pâtir. La bibliothèque municipale la plus près de Mirefleurs se remplissait les mercredis, elle est plus calme aujourd'hui…
[1] Le rapport de l'Académie nationale de médecine sur les rythmes scolaires peut être consultéà l'adresse suivante : www.academie-medecine.fr/pub...